De nos jours, nous savons tous que la consommation fréquente de boissons sucrées pose de nombreux problèmes en matière de santé. Qu’il s’agisse de jus de fruits, de sodas ou bien de boissons gazeuses diverses et variées, celles-ci sont la plupart du temps très riches en sucre. Ce sucre peut aussi bien se présenter sous la forme de glucose et de dérivés du glucose (ex : maltrodextrine, dextrose, sirop de glucose) que sous la forme de fructose, via notamment les sirops de glucose-fructose. Quelle que soit la forme considérée, nous sommes désormais une majorité à être conscients des effets délétères du sucre consommé en grande quantité sur notre organisme : perturbations de la glycémie, épisodes de fatigue soudains, dérèglement du mécanisme de l’insuline, tendances addictives ou encore perturbations du sommeil. Sans parler de l’apport calorique très élevé inhérent à ce type de boissons et à leur très faible pouvoir rassasiant.
Pour répondre à cette problématique, les édulcorants sont utilisés depuis des années afin de proposer aux consommateurs des boissons ayant le même gout tout étant faibles en calories. C’est ainsi qu’ont été commercialisés les premiers coca zéro aux Etats-Unis en 2005. Bien avant, Pepsi avait déjà commercialisé un soda dépourvu de sucres et de calories, et ce dès 1964. Mais la 1ère trace d’un soda à base d’édulcorants remonte à 1952. C’est en effet il y a désormais 70 ans qu’un homme d’affaires Russe, du nom de Hyman Kirsch, créa la première boisson à base d’édulcorants (dans ce cas, du calcium cyclamate) nommée « No-Cal Ginger Ale ».
Aujourd’hui, et pour vous donner un ordre d’idée, 1 adulte sur 2 environ en France et aux Etats-Unis déclare consommer des boissons gazeuses sans alcool régulièrement (1). Cela correspond à une moyenne de 63 litres de sodas et/ou de jus de fruits par an pour un Français, 91 litres pour un Espagnol et jusqu’à 128 litres par an ( !) pour un Allemand, soit une cannette de 33cl par jour. Une étude récente (2) a permis de mieux quantifier la consommation de sodas dans le monde : la moyenne mondiale se situe ainsi aux alentours des 3 cannettes par semaine, avec des pointes atteignant 9 cannettes par semaine au Mexique, 7 en Ethiopie et 5 aux USA. Les pays d’Asie sont à l’inverse beaucoup moins touchés. La consommation est également bien plus importante chez les jeunes que chez les personnes âgées alors que le niveau d’éducation dans les pays développés ne semble pas avoir d’influence sur la consommation de sodas, soulignant au passage que nous sommes tous concernés par cette question.
Mais au fait, à quoi correspondent vraiment les édulcorants ? Dans quoi les retrouve t’on et quels sont leurs effets sur la santé humaine à court, moyen et long terme ?
Autant de questions auxquelles nous allons essayer de répondre dans cet article. Bonne lecture 😊
Les édulcorants, c’est quoi en fait ?
Lorsque l’on parle d’édulcorants, il faut savoir que l’on retrouve 2 catégories principales ; les édulcorants de synthèse et les édulcorants naturels. Les premiers désignent des substances créées artificiellement et qui possèdent un très fort pouvoir sucrant. Elles ne sont pas dépourvues de calories mais, puisqu’elles sont généralement utilisées en très petites quantités, leur apport calorique est bien souvent négligeable.
Les édulcorants de synthèse
Les édulcorants de synthèse ont vu le jour petit à petit à la fin du 19ème siècle, la saccharine étant la 1ère à être créée en 1879. Depuis, de nombreuses autres ont été inventé puis commercialisé par la suite. A l’heure actuelle, on retrouve principalement l’aspartame (E951), autorisé en France en 1988 et dont le pouvoir sucrant est 200 fois plus élevé que le sucre de table, l’acésulfame-K (E950), autorisé en France depuis 1983, la sucralose (E955), autorisée seulement depuis 2004 et dont le pouvoir sucrant est 600 fois plus élevé que le saccharose. D’autres existent également comme le cyclamate, la saccharine ou encore le néotame mais, étant donné leur faible utilisation par l’industrie agro-alimentaire, nous n’en parlerons pas en détail.
Les édulcorants naturels
Viennent ensuite les édulcorants naturels que l’on appelle les « polyols » et qui sont en fait des sucres d’alcool. Ils sont obtenus à partir de produits glucidiques comme les céréales ou le sucre via des processus de fermentation, d’hydrogénation ou encore de conversion enzymatique, bien qu’on en retrouve également à l’état naturel dans certains végétaux. Parmi ces polyols, on peut notamment citer le sorbitol (E420), le maltitol (E965), le lactitol (E966), le xylitol (E967) ou encore l’érythritol (E968). A savoir que tous ces polyols ne sont pas ou peu (dépendant des individus ?) assimilés par l’intestin grêle, d’où leur faible apport calorique. Toutefois, leur arrivée dans le colon peut provoquer d’importants mouvements d’eau ainsi qu’une fermentation de ces produits ; c’est pour cela qu’ils sont reconnus comme étant laxatifs lorsque utilisés en grande quantité. Parmi ces édulcorants naturels, on retrouve également la stévia. Cette substance, désormais assez connue et répandue, provient en fait d’une plante d’Amérique du Sud de la famille des astéracées. Ce sont les feuilles de stévia qui contiennent ce que l’on appelle des « glycosides de stéviol ». Ceux-ci possèdent l’avantage d’avoir un très fort pouvoir sucrant, mais également de pouvoir résister à la chaleur et donc d’être utilisés pour les préparations culinaires, ce qui n’est pas le cas des édulcorants de synthèse évoqués ci-dessus.
Dans quoi retrouve-t-on des édulcorants ?
Comme expliqué précédemment, les édulcorants sont fortement utilisés par l’industrie agro-alimentaire pour leur fort pouvoir sucrant et leur capacité à proposer des produits très faibles en sucre. En effet, les dangers d’une forte consommation de sucre sur la santé sont désormais connus depuis plusieurs décennies, poussant ainsi les industriels à trouver des solutions pour continuer à vendre leurs produits.
C’est pour cette raison que les édulcorants s’avèrent omniprésents dans notre alimentation à l’heure actuelle. On en retrouve en effet en grande quantité dans les boissons sucrées comme les sodas et les boissons énergisantes, les édulcorants permettant de conserver un gout sucré très similaire aux boissons d’origines. Aujourd’hui, la plupart des sodas et des boissons sucrées proposent des versions dites « light » ou « zéro » contenant des édulcorants, ceux-ci étant le plus souvent des édulcorants de synthèse comme le sucralose ou l’aspartame. On retrouve également ces édulcorants de synthèse dans un grand nombre de biscuits et de gâteaux dits « allégés » ainsi que dans un certain nombre de desserts et de pâtisseries industrielles. Toutefois, selon un rapport récent de l’ANSES (3), l’utilisation d’édulcorants de synthèse aurait fortement diminué au cours des dernières années, les industriels souhaitant limiter l’utilisation de substances chimiques controversées au profit de produits plus naturels. C’est ainsi qu’une substance comme la stévia s’est fortement démocratisée ces dernières années, au point que son marché connait actuellement une croissance à 2 chiffres, pour un marché mondial sur le point de dépasser le milliard de dollars (4). Pour ce qui est des polyols, on en retrouve notamment dans les chewing-gums, d’où leurs effets laxatifs reconnus. Les édulcorants « naturels » sont également présents dans pas mal de produits à destination des sportifs comme les barres de protéines faibles en sucres. Dans ces cas-là, les polyols permettent en effet de maintenir le gout sucré de la confiserie, sans pour autant alourdir le total calorique avec des aliments comme le miel ou le sirop de glucose-fructose. Pour un public comme les pratiquants de musculation qui surveillent leurs calories de près, cela représente un atout non négligeable.
Les effets des édulcorants sur la santé humaine
Effets sur la glycémie, la résistance à l’insuline et les maladies métaboliques
Quand on parle des édulcorants et de leurs effets sur la santé humaine, l’un des premiers aspects à être évoqué concerne l’impact des édulcorants sur le métabolisme de l’insuline. Puisqu’ils ont un gout sucré mais ne possèdent à proprement parler pas ou peu de glucose, on peut se demander s’ils sont en mesure de stimuler la production d’insuline ? et qu’en est-il du cerveau qui perçoit bel et bien le gout sucré au niveau des papilles ?
A première vue, il semblerait que la plupart des édulcorants ne génèrent pas de réponse insulinique à proprement parler dans les minutes suivant leur ingestion (5)(6)(7). A noter toutefois que, parmi les études mentionnées, deux méta-analyses sont truffées de conflits d’intérêts ; dans la méta-analyse de Greyling et al., (5), l’auteur principal lui-même ainsi qu’un des co-auteurs ont déclaré être employé par Unilever durant le déroulement de l’étude. Pour rappel, Unilever est l’une des firmes multinationales les plus influentes au monde, vendant notamment une énorme quantité de boissons sucrées et/ou édulcorées via sa marque Lipton. Cela nous invite, une fois de plus, à considérer les études au regard de leurs financements et des enjeux agro-alimentaires sous-jacents. Revenons-en maintenant à la physiologie ; de manière intéressante, on retrouve d’autres études qui mettent en avant que, lorsqu’il est consommé conjointement à un apport de glucose, le sucralose pourrait amplifier la réponse insulinique liée à la consommation du glucose en question(8)(9). Gardons cependant bien en tête que la réponse insulinique à très court terme n’est pas le seul critère à prendre en compte pour apprécier les effets sur le métabolisme des édulcorants.
En effet, nous savons par exemple que le fructose n’impacte que peu le métabolisme de l’insuline. Il est en effet métabolisé en majorité par le foie. Toutefois, lorsqu’il est consommé en (trop) grande quantité, le fructose peut diminuer la sensibilité à l’insuline au niveau des cellules du foie et conduire à la survenue de pathologies métaboliques comme le syndrome métabolique (10)(11)(12). Se pourrait-il qu’il en soit de même avec les édulcorants ? Il se pourrait bien que oui… en effet, plusieurs études (13)(14), aussi bien chez l’humain que chez l’animal, mettent en évidence qu’une consommation de sucralose prolongée dans le temps pourrait favoriser l’apparition d’une résistance à l’insuline. Les mécanismes impliquant la survenue de la résistance à l’insuline ne sont pas encore très clairs, bien que la modification du microbiote puisse avoir un impact. En effet, un certain nombre d’édulcorants ne sont pas absorbés par l’intestin grêle et parviennent donc jusqu’au colon, ou ils sont susceptibles de modifier la composition de notre flore bactérienne ainsi que de nombreuses fonctions au sein de notre corps. In fine, la consommation prolongée et fréquente d’édulcorants de synthèse pourrait donc faire partie des facteurs conduisant à la survenue du syndrome métabolique (15)(16), bien que cette possibilité demande à être confirmée. Les effets physiologiques des édulcorants sur le corps humain apparaissent donc comme complexes : ce ne sont probablement pas des substances inertes dépourvues de calories et leurs effets, aussi bien sur la sphère digestive, qu’endocrine ou cérébrale, pourraient ne pas être aussi anodins que nous le pensions autrefois.
Effets sur la régulation de l’appétit et la perte/prise de poids
Au-delà de leurs potentiels effets sur le plan métabolique, intéressons-nous désormais à l’impact d’une consommation d’édulcorants sur le poids et sur la composition corporelle. Il faut garder en tête que c’est la raison pour laquelle ils furent initialement crées ; pouvoir proposer des boissons au gout sucré mais faibles en calories et en sucre et qui, ainsi, permettraient une diminution de l’apport calorique et donc du poids.
Le principal problème des études réside dans leur nature ; on retrouve en effet une grande majorité d’études dites « observationnelles » et finalement assez peu d’études interventionnelles comme des essais randomisés en double aveugle. Une méta-analyse de 2014 (17) regroupant 15 essais randomisés a cependant pu mettre en évidence que la consommation de boissons édulcorées en lieu et place de boissons sucrées « classiques » permettait une légère perte (-0,8kg en moyenne) de poids sur des durées allant de 3 à 78 semaines. Ces résultats semblent être confirmés par ceux d’une autre méta-analyse datant de 2016 et mettant en évidence que, sur une durée allant de 4 semaines à 40 mois, la consommation de boissons édulcorées entrainait une perte de poids moyenne de 1,3kg en comparaison avec la consommation de boissons sucrées traditionnelles.
Le problème de ces études est qu’elles étudient l’impact de la consommation d’édulcorants à relativement court terme et dans le contexte très spécifique et cloisonné d’une étude scientifique, ou un certains nombre de paramètres ne peuvent être contrôlés. Dans la vraie vie, les édulcorants posent un autre problème que beaucoup d’études n’abordent pas ou pas suffisamment : la régulation de l’appétit. En effet, bien que ne contenant pas ou peu de calories sous forme de sucre, les boissons édulcorées contiennent pour autant ce gout sucré. Ce gout sucré est perçu par différents récepteurs présents dans la bouche, le pancréas, ou encore les cellules épithéliales de l’intestin et de l’estomac et enclenche en conséquence plusieurs processus psycho-physiologiques (18).
L’un de ces processus est ce que l’on appelle en anglais la « cephalic phase insulin response/release » (CPIR) et qui représente un puissant mécanisme de régulation de l’appétit. Ce mécanisme se déroule dans le cerveau et est indépendant de la sécrétion d’insuline post-prandial (19). La CPIR intervient en réponse aux gouts sucrés, aux odeurs sucrées ou même aux pensées relatives à des aliments sucrés. Le gout sucré semble toutefois être le mécanisme déclencheur le plus puissant. La CPIR permet en quelque sorte au corps de se « préparer » à l’ingestion de glucides en commençant à sécréter de l’insuline, et ce avant même l’ingestion d’un aliment sucré (20).
De nombreuses études (21)(22)(23)(24) mettent en ainsi en avant que la consommation d’édulcorants à long terme pourrait engendrer une prise de poids notable en augmentant l’appétit et en modifiant profondément les comportements alimentaires des individus. L’un des problèmes réside notamment dans le fait que les édulcorants entretiennent le gout et le désir pour des aliments sucrés, très riches en calories et dont les effets délétères sur la santé ne sont plus à démontrer. Les édulcorants pourraient certes réduire légèrement l’apport calorique spécifique aux boissons édulcorées mais dans le même temps augmenter l’apport calorique global en maintenant voir en augmentant les envies alimentaires sucrées (25). Cela pourrait s’expliquer par la perturbation d’un mécanisme appelé l’alliesthésie alimentaire ; ce phénomène correspond à une sensation qui prévient la surconsommation des aliments sucrés et/ou gras en diminuant le plaisir perçu lorsqu’on les consomme, ou après les avoir ingérés. Ce mécanisme pourrait ainsi être inhibé par la consommation d’édulcorants apportant un gout sucré mais sans les calories du sucre qui vont avec.
Au final, il semble que les édulcorants puissent être inclus dans une stratégie de perte de poids à la condition qu’ils soit accompagnés de stratégies efficaces et durables et d’un accompagnement par un professionnel de la nutrition compétent.
Effets sur la composition du microbiote
Il s’avère que tous les effets mentionnés précédemment pourraient finalement être expliqués par l’impact des édulcorants sur le microbiote. En effet, que ce soit pour les édulcorants naturels ou pour la plupart des édulcorants artificiels, ceux-ci ne sont pas assimilés par l’intestin grêle. Ils parviennent donc jusqu’au gros intestin ou ils rencontrent les bactéries composant notre microbiote intestinale. Rappelons que ce microbiote intestinal est purement individuel et qu’il nous est transmis en grande partie par notre mère au moment de l’accouchement. D’autres facteurs peuvent par la suite le modifier comme l’allaitement, l’alimentation, le stress ou encore l’exposition à différentes substances et toxines. De plus en plus de preuves abondent et semblent démontrer que le microbiote joue un rôle majeur dans la survenue de différentes pathologies, notamment en ce qui concerne la résistance à l’insuline (26)(27).
L’enjeu est donc de savoir si les édulcorants peuvent induire une modification du microbiote, que l’on appelle une dysbiose, et qui serait à l’origine de la survenue potentielle de différentes pathologies. Une fois n’est pas coutume, les études sont mitigées à ce sujet. A court terme, il semblerait que la consommation d’édulcorants de synthèse à des doses « normales » n’impacte que peu la composition du microbiote (28)(29)(30), que ce soit concernant la sucralose, l’aspartame ou encore l’acésulfame-K. A noter que les résultats varient en fonction des études, mettant en avant des réponses propres à chaque individu suite à la consommation d’édulcorants.
Si on en croit d’autres études, la donne à moyen/long terme s’avère toutefois quelque peu différente. En effet, un nombre croissant d’études (31)(32)(33) indique qu’une consommation d’édulcorants de synthèse pourrait avoir des impacts significatifs sur la composition et l’altération du microbiote. Cela semble moins vrai cependant pour l’aspartame (34) que pour le sucralose ou la saccharine. La plupart de ces études ont toutefois été conduites sur des souris, rendant les conclusions plus fragiles. A l’heure actuelle, nous manquons encore de données pour pouvoir affirmer avec certitude que les édulcorants possèdent un impact significatif sur la composition du microbiote ; bien que difficiles à mettre en place, des études interventionnelles à long terme chez l’humain sont ainsi nécessaires.
Effets sur la survenue de cancers et d’autres maladies
Ces mêmes études interventionnelles à long terme pourraient également éclaircir l’impact de la consommation d’édulcorants sur la survenue de cancers. En effet, c’est à l’heure actuelle quelque chose que l’on peut entendre dans pas mal de discours et qui suscite la controverse. Tout d’abord, soulignons qu’il est très difficile de mettre en évidence qu’une substance en particulier favoriserait la prolifération de cellules cancéreuses chez l’être humain. Cela nécessite des études au long terme chez l’humain, ou établir des liens de causes à effets s’avère souvent très difficile compte tenu des innombrables variables mises en jeu.
La question mérite cependant d’être posée, quand on sait que les édulcorants possèdent un impact important sur le microbiote intestinal (cf. partie précédente) et sur la sphère digestive étant donné qu’ils ne sont pour la plupart pas absorbés par l’intestin grêle. Cette question apparaît d’autant plus pertinente dans le cas de l’aspartame, dont la toxicité et les potentiels effets cancérigènes sont démontrés depuis désormais plusieurs décennies, notamment chez l’animal (35)(36) et in vitro (37)(38). En ce qui concerne les résultats chez l’humain, une étude récente (39) ayant suivi 100 000 français sur plusieurs années montre que la consommation d’édulcorants est associée à une hausse de 13% du risque de cancer global. Cette étude nous indique également que l’aspartame est, au sein de cette population, l’édulcorant le plus consommé avec une fréquence de consommation de 58%. Une autre méta-analyse d’études prospectives (40) rapporte quant à elle une corrélation positive entre consommation d’édulcorants et survenue de leucémie (cancer du sang), sans pour autant retrouver de corrélations positives avec d’autres formes de cancers. Ces résultats semblent confirmés par une autre méta-analyse d’études prospectives (41) qui ne retrouve pas non plus de corrélations significatives entre la consommation d’édulcorants et la survenue de cancers, exception faite des individus vivant sur le continent européen qui, d’après les résultats de l’étude, ont vu leurs risques augmenter de 7%. A noter toutefois que, dans cette étude, la consommation d’édulcorants était associée à une augmentation de 13% des risques de mortalité toutes causes confondues. Au final, ces résultats préliminaires sont confirmés par d’autres méta-analyses (42)(43) d’études observationnelles, suggérant à l’heure actuelle une absence de lien direct entre consommation d’édulcorants et survenue de cancers.
Alors les édulcorants, bon calcul ou pas ?
Au final, la question des édulcorants se révèle bien plus complexe qu’il n’y parait. Une étude très récente publiée en 2024 (44) propose un résumé complet et détaillé relatif aux avantages et aux inconvénients des édulcorants en matière de santé humaine.
Car il est en effet bien difficile d’être 100% en faveur ou à l’inverse complètement opposé à l’utilisation des édulcorants. Dans certains cas, cela pourra permettre de réduire la consommation de boissons sucrées et l’apport calorique qui va avec, dont les effets sur la prise de poids et la survenue de maladies métaboliques ne sont plus à démontrer. Les édulcorants permettent ainsi de conserver des saveurs sucrées dans l’alimentation, gage de plaisir et d’adhésion à long terme à une alimentation de qualité. Cela doit toutefois être mis en place conjointement à une modification des habitudes alimentaires, si possible en étant encadré par un diététicien ou un professionnel de la nutrition compétent. Sans cela, il est en effet possible que la consommation régulière d’édulcorants ne fasse qu’entretenir cette appétence pour le gout sucré. Cela pourrait ainsi engendrer une augmentation de l’appétit, de l’apport calorique, du poids et de la résistance à l’insuline, comme rapporté par de nombreuses études.
A la lecture des études, il est donc très difficile de conclure quant à la dangerosité ou à l’innocuité des édulcorants sur la santé humaine. En effet, de nombreux effets délétères (cancers, maladies cardio-vasculaires ou métaboliques) ont été seulement observés sur des modèles animaux ou au sein d’études observationnelles. A ce jour, il est ainsi difficile pour ne pas dire impossible d’établir des liens de cause à effet clairs entre la consommation d’édulcorants et la survenue de pathologies diverses. Malheureusement, il s’avère tout aussi compliqué d’affirmer que la consommation d’édulcorants serait bénéfique en de quelconques aspects. Nombreuses sont les études directement financées par l’industrie agro-alimentaire, ajoutant ainsi des biais importants à la question.
Je vais quand même prendre le risque de donner mon avis en conclusion : j’estime que la consommation d’eau sera toujours bien meilleure pour la santé que la consommation régulière de boissons à base d’édulcorants, peu importe la boisson en question et le type d’édulcorant utilisé. Cependant, il me semble qu’un soda à base d’édulcorants occasionnellement ne pose aucun problème en matière de santé à long terme, tant et si bien que cela vous procure du plaisir. Il me parait important, pour ne pas dire fondamental, de considérer le contexte et les besoins nutritionnels relatifs à chaque individu afin d’apporter du contexte à cette question épineuse.
En attendant d’autres études interventionnelles et à long terme qui nous permettront de mieux comprendre les effets des édulcorants sur la santé humaine, gardez en tête que c’est avant tout la dose qui fait le poison et ce quel que soit l’aliment ou la substance considérée.
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